Heureux événement et cohabitation

Que les lecteurs assidus, s’il y en a, me pardonnent mon absence récente. La dernière période a connu de belles péripéties qui m’ont tenu relativement occupé.

Un heureux événement s’est donc produit le 28 Juin à 11h11. Comme prévu, c’est un garçon. La date du calendrier lunaire est le 2ème jour du 6ème mois et nous sommes dans l’année du cheval. Ces chiffres n’ont pas une importance capitale à mes yeux, elle en aurait si j’avais été superstitieux, comme le sont beaucoup de Chinois. Comment interpréter par exemple l’accumulation exceptionnelle du chiffre 1 dans l’heure de naissance ? En Chine, le 11 Novembre (11/11) ne commémore évidemment pas l’armistice de 1918, mais est la fête des célibataires, le chiffre 1 pouvant symboliser la solitude. Mais le chiffre 1 symbolise aussi l’alpha, l’entiereté ou l’unité, la fidélité (dans l’expression 一心一意, yi xin yi yi, qui veut dire « de tout cœur »). Fait amusant, le dernier caractère de son nom se prononce au ton près comme le chiffre 1 (yi).

Pour information, voici la signification en Chine des chiffres (je ne parle que des significations que je connais, la liste n’est donc pas exhaustive) :

– Le 1 : le commencement, l’unité, la fidélité, le célibat
– Le 2 : c’est un bon chiffre. On dit en chinois : 好事成双 (hao shi cheng shuang), ce qui signifie « les bonnes choses vont par paires ». Il est bon ainsi parfois d’offrir un cadeau en double (deux bouteilles d’eau de vie plutôt qu’une, deux cigarettes plutôt qu’une…) Dans les mariages chinois, on offre justement des bonbons et des cigarettes à l’entrée du lieu, on donne alors toujours les cigarettes par deux. Le chiffre 2 symbolise bien sûr le couple. Ce chiffre peut aussi désigner le verbe aimer (爱, ai) comme dans le nombre 520 (我爱你, wo ai ni : je t’aime). À ne pas confondre avec 250 qui est une insulte ! De même, le chiffre 2 seul (二, er) est une insulte, il signifie stupide.
– Le 3 : rien ne me vient à l’esprit pour ce chiffre
– Le 4 : c’est un chiffre porte-malheur, car il se prononce au ton près comme la mort (死, si). Ceci dit, certaines personnes apprécient ce chiffre car il semble pouvoir favoriser la monter en grade, mais je n’ai pas l’explication complète
– Le 5 : il peut désigner je/moi car sa prononciation (wu) ressemble à wo (我, je, moi)
– Le 6 : c’est un excellent chiffre, car il est utilisé en double dans l’expression 六六大顺 (liu liu da shun) qui signifie que tout se déroule parfaitement
– Le 7 : rien ne me vient à l’esprit pour ce chiffre
– Le 8 : est un bon chiffre. Ce chiffre (prononcé ba) désigne le fait de faire fortune (发, fa). Après recherche, cela viendrait du cantonais qui prononce les deux mots de la même façon
– Le 9 : aussi un très bon chiffre, car il se prononce comme 久 (jiu) qui signifie longtemps. Il symbolise la durabilité, la longévité

Bref, parler des chiffres n’est pas le sujet de cet article. Revenons-y donc.

Accouchement par voies naturelles ou par césarienne ?

En Chine, un nombre important de femmes décident de donner naissance par césarienne, alors qu’aucune raison médicale ne l’impose. Dans ce pays, la moitié des naissances environ se fait par césarienne. Les raisons en sont les suivantes :

– La peur de la douleur de l’enfantement : accoucher par voies naturelles, cela représente une douleur qui peut durer de longues heures. La césarienne abrège la souffrance.
– Le gain d’efficacité pour l’hôpital : l’opération est prévue à l’avance, elle se passe rapidement, avec moins de cas d’urgence à traiter
– La peur du risque pour le bébé : avec la politique de l’enfant unique, il ne faut prendre aucun risque avec la santé du petit. Attendre qu’il sorte tout seul peut amener à la perte des eaux puis l’asphyxie du bébé, etc
– La crainte de ne plus pouvoir contenter son mari à cause de l’aggrandissement de son vagin par le passage du bébé
– Choisir un jour faste de naissance pour les supersitieux

Un des arguments forts qu’on peut opposer à tout cela, c’est : oui, mais la césarienne laisse ensuite une vilaine cicatrice (les médecins locaux varient beaucoup en talent. Certains sont de vrais bouchers qui recousent n’importe comment)

Nous avons bien sûr décider l’accouchement naturel dans la mesure où il n’y avait pas de risque médical, et cela s’est très bien passé.

Le mois de récupération

En Chine, l’accouchement précède une période appellée yuezi (月子) d’une durée d’un mois (comme son nom en chinois l’indique) et qui est pour la mère une période de récupération. Pendant un mois, la jeune mère ne va pas sortir de chez elle, et même doit passer le plus clair de son temps dans son lit. Elle veillera à :

– porter des manches longues et éviter strictement de s’exposer aux courants d’air, ventilateur, etc (même malgré la chaleur en été)
– éviter tout contact avec de l’eau froide : elle boira de l’eau chaude ou tiède
– éviter de se laver, malgré la crasse et la sueur accumulées
– éviter de manger du piment, mais aussi du sel, et tout un tas d’aliments comme les aliments fermentés mais aussi certains légumes, etc
– éviter tout effort. Éviter même de prendre son bébé dans les bras…
– éviter de regarder la télévision, ou tout autre écran (téléphone, etc.)

Tout cela a pour but de récupérer en douceur, éviter paraît-il des douleurs à l’âge mûr (arthrose ?) et aussi bien sûr avoir du lait de qualité en abondance pour l’allaitement.

Pendant un mois, la jeune mère ne fait donc pour ainsi dire rien à part dormir, manger ce qu’on lui prépare, et allaiter. Elle est donc très dépendante de son entourage. En général, le mari qui a un travail à l’extérieur ne peut pas assumer pas tout seul les différentes tâches indispensables que sont la cuisine, le ménage, le lavage des vêtments et draps du bébé, le bain du bébé, etc. C’est pourquoi les jeunes grands-parents viennent habiter avec le couple et leur bébé pendant cette période.

Ce sont souvent les parents du mari qui viennent, mais pas toujours. Dans mon cas évidemment, c’est la famille de ma femme qui vient cohabiter avec nous.

La cohabitation

Je devine que la question qui est sur toutes les lèvres est : comment se passe la cohabitation avec la belle famille ?

Et bien, ça se passe plutôt bien. Le fait d’avoir presqu’aucune tâche à effectuer est une situation assez supportable. La contrepartie, c’est d’avoir toujours quelqu’un à côté se soi qui crie dans ses oreilles. Ces temps-ci, non seulement les parents étaient présents, mais aussi le 5ème petite sœur du père et la petite-fille de celle-ci, et parfois la grande sœur du père, le mari de la sœur et j’en passe.

Tout ce beau monde ne reste pas là pour dormir. Le père part pour la nuit chez la grande sœur de la mère où il y a plus de place pour dormir, tandis que la mère et la petite sœur du père dorment ensemble avec la petite-fille.

Tous les jours, pour déjeuner ou pour dîner, toute la famille se rassemble soit chez nous, soit chez la sœur de la mère. En fait, ce n’est qu’une petite partie de la famille. Seulement entre 15 et 25 personnes sont présentes. En tout cas on ne se sent pas seul.

Cette proximité familiale nuit au calme et à l’intimité, mais rend l’atmosphère très chaleureuse, surtout quand le père débouche son bidon d’alcool ramené de son village, et qui titre d’après mon alcoomètre à un peu plus de 70 degrés. Je pense que cet alcool, qui est paraît-il très pur et sain, pourrait très bien servir de carburant à une voiture, de décapant ou de débouche-chiottes. Pardonnez ma vulgarité, mais si l’expression « arracher la gueule » doit justifier son existence par une situation pratique, tremper ses lèvres dans ce breuvage suffit amplement.

En ce moment donc, la maison est très bruyante. Ceux qui ont une expérience de la Chine savent que le niveau sonore de conversation des Chinois ne connait pas de limite. Pour une personne non habituée, c’est parfois gênant lorsque la personne est à côté de vous et braille dans son téléphone, que ce soit dans un transport en commun, dans un lieu fermé comme dans une entreprise, dans un monastère, ou chez vous.

Mais le bruit a aussi pour fonction de faire fuir les esprits, qui ne doivent pas s’attaquer au bébé. Aussi, je me résigne à mettre des boules Quiès pour travailler de mon côté.

L’attente de la fin du mois

À la fin du mois de récupération le bébé, sauf erreur de ma part, aura donc un mois. En chinois c’est 满月 (manyue, un mois complet). À cette occasion, on invite toute la famille et les amis à des réjouissances (满月酒, manyue jiu), et le couple reçoit à cette occasion de nombreuses petites enveloppes rouges (红包, hongbao) remplies de beaux billets de banques tout neufs.

Cette fête du manyue peut avoir lieu un mois exactement après la naissance, mais a parfois lieu 100 jours après la naissance. Cela dépent des habitudes des familles. Nous n’avons pas encore fixé cette date.

Dernières péripéties

Depuis quelques jours, je suis revenu à Chengdu où j’y ai quelques affaires. De plus un vieil ami vient demain à Chengdu me visiter. Je vais l’accompagner quelques jours découvrir la belle province du Sichuan. L’occasion pour moi de revoir les grands classiques comme le mont Emei. À bientôt, pour reparler de tout cela !

4 réflexions au sujet de « Heureux événement et cohabitation »

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