Balade dans la vieille ville de Xichang

Xichang est une ville qui a déjà une longue histoire, bien que ni célèbre, ni particulièrement glorieuse. Aujourd’hui il reste encore quelques vestiges de l’ancienne ville, que j’ai découvert au hasard de mes balades et qui méritent le détour.

J’ai déjà parlé plusieurs fois de Xichang dans ce blog :

  • dans un premier article, j’évoquais le formidable climat à Xichang dû à sa latitude et à son altitude. Je vous disais aussi que c’était la « ville de la lune » (en chinois 月城, yuecheng). En effet, là encore grâce à sa position géographique et à sa faible pollution atmosphérique, on y voit très bien la lune et les étoiles
  • dans un deuxième article, je vous parlais des grillades de Xichang
  • dans un troisième article, je vous parlais du lac Qinghai qui jouxte la ville de Xichang et au bord duquel on peut visiter le temple de Qinglong, le temple de Lingyin, le mont Lu (avec ses temples et le musée de l’esclavage de Yi, mais je vous en parlerai un autre jour)

Bref, je n’avais pas encore parlé de la vieille ville de Xichang…

Un peu d’histoire de Xichang

La ville a une histoire de plus de 2000 ans. Si les minorités ethniques y vivent probablement depuis plusieurs millénaires (en tout cas il y a des traces d’occupation humaine pendant le néolithique), c’est au deuxième siècle avant JC, sous la dynastie des Han, que la ville « chinoise » est fondée sous le nom de « Qiongdu » (邛都) dont le premier chef fut Sima Xiangru, poète han né à Chengdu (environ 179 à 118 av JC). À cette époque, ce n’était sûrement qu’une petite garnison. La dynastie Han fut très importante dans l’histoire de la Chine (d’ailleurs le nom chinois de l’ethnie chinoise, les « Han » fait référence à cette dynastie). La dynastie Han fut celle qui étendit le territoire de la Chine le long de la grande muraille dans la province du Gansu jusqu’à Dunhuang (dont je vous ai parlé dans un article précédent), formant la fameuse route de la soie. Mais on sait moins que la route de la soie comportait plusieurs tracés. La dynastie Han établit aussi des autres routes commerciales dans le sud-ouest de la Chine. Au départ de Chengdu, il y avait deux routes : la route du sud et la route du sud-ouest. Cette dernière passait par Qionglai, Ya’an, traversait les montagnes puis descendait la rivière Anning jusqu’à Xichang, puis descendait vers le Yunnan (ville de Dali, où arrivait aussi la route du sud) avant de courir vers les pays voisins.

Durant l’époque des Trois Royaumes, Xichang fait partie du royaume de Shu. Xichang était déjà le chef-lieu d’une vaste région appelée Yuesui ou Yuexi (越巂) correspondant aujourd’hui en partie à la préfecture de Liangshan (incluant Leibo notamment). Zhuge Liang, le grand stratège militaire du royaume de Shu, est passé par Yuesui avant d’entrer dans Nanzhong et combattre le héros Menghuo (qui a un temple à Leibo, voir article précédent) et stopper les rebellions des peuples du sud.

Dans la dernière partie de la dynastie Tang (618-907), le comté de Yuesui intègre le royaume de Nanzhao (南诏国, dates : 737-902). Ce royaume s’est même brièvement étendu jusqu’à Chengdu mais a ensuite décliné et a été remplacé par le royaume de Dali (大理国,  dates : 937-1253). Le royaume de Dali était un royaume bai (une minorité ethnique présente à Dali) mais comportait plusieurs ethnies, dont bien sûr les Yi. Il occupait le Yunnan actuel et les régions périphériques.

Pendant la dynastie mongole Yuan (1271-1368), le royaume de Nanzhao fut conquis et intégré à l’empire. Marco Polo, le fameux explorateur italien, a servi à la fin du 13ème siècle à la cour de l’empereur mongol Kubilai Khan et a vraisemblablement été chargé par lui d’aller dans le sud-ouest de la Chine. Marco Polo raconte son voyage dans le Sichuan en passant par Chengdu et Xichang dans Le Devisement du monde. Le nom de Xichang est alors « Jianchang » (建昌).

C’est pendant la dynastie Ming (1368-1644) que la cité fortifiée de Xichang se construit (l’ancienne porte de la ville a été construite en 1387, voir photo ci-dessous). Les vestiges actuels de l’ancienne ville datent de cette dynastie et de la suivante (dynastie Qing, 1644-1912)

Porte sud Xichang (porte de Datong)

Le Sichuan a été cartographié par Julius Klaproth en 1805. À cette époque, Xichang apparaît sous le nom de Ning-yuan-fou (宁远府). C’est le nom de Xichang entre 1728 et 1913. Voir carte (source : Bibliothèque nationale de France, GE DD-2816 (11,1-22RES)) :

Par Julius Klaproth, 1805

Xichang est le petit carré au centre. On y voit aussi la ville fortifiée de Huili au sud (orthographiée « Hoey-ly-tcheou ») où je compte aller bientôt et dont je vous parlerai plus tard.

C’est sous le nom de Ningyuan qu’est désignée la ville par les missionnaires catholiques français pendant le 20ème siècle, en gros entre 1902 et 1951. Pendant cette période, la muraille entoure encore l’ensemble de la ville. Les missionnaires évoquent les guerres entre les chinois han et les minorités ethniques, principalement les Yi, appelés aussi « Lolos » bien que cette appellation soit péjorative. Il semble que les premiers Han arrivés à Xichang soient venus sous la dynastie Ming. Ils étaient alors des exilés. Pendant l’époque des missionnaires, ce sont des Han qui vivent à l’intérieur des murailles de la ville et ils se battent contre les Yi pour les meilleures terres agricoles.

En 1950 les communistes arrivent à Xichang et imposent par la force leur domination, même s’il y a eu des rebellions. En 1951, tous les étrangers quittent le pays. C’est très vraisemblablement sous l’époque communiste que la plupart des anciens bâtiments, dont les murailles, sont détruits. Aujourd’hui il n’en reste que des vestiges.

La vieille ville de Xichang aujourd’hui

La vieille ville de Xichang n’est pas comme les fameux hutongs de Pékin, ou l’ancienne ville de Pingyao ou encore celle de Lijiang. La vieille ville de Xichang n’est absolument pas touristique, mais c’est précisément ce qui fait son charme. Enfin pour le moment, car le gouvernement compte développer le tourisme en reconstruisant une partie de la muraille et des quartiers anciens. Le problème très souvent dans ce type de reconstruction, c’est que le quartier perd toute son authenticité, la classe populaire déserte le lieu et des boutiques pour touristes fleurissent, dans lesquelles on trouve toujours la même camelote. Bref, la vieille ville de Xichang, si elle n’est pas aussi étendue et aussi connue que d’autres villes anciennes de Chine, est une ville qui a su garder une parfaite authenticité.

Voici le plan de l’ancienne ville de Xichang :

Carte de l'ancienne ville de Xichang

La ville était globalement orientée nord-sud, entourée de murailles et avec des portes aux quatre points cardinaux : Porte de Jianping au nord, porte de Datong au sud, porte de Anding à l’est et porte de Ningyuan à l’ouest. La ville mesure environ 1.2 km de la porte est à la porte ouest, et 1 km de la porte nord à la porte sud. Toute la ville ancienne est en pente : le terrain monte vers le nord sur un dénivelé total de peut-être une vingtaine de mètres.

La porte de Datong a été reconstruite à la fin des années 90, et elle est la plus connue. Cependant, si la porte ouest n’existe plus du tout on peut encore voir la porte nord :

porte du nord Xichang

et la porte est :

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À l’ouest, la porte n’existe plus, et la muraille non plus, en revanche on devine où se trouvait cette dernière grâce à la forte déclivité et au nouveau mur en place qui entoure un quartier résidentiel, avec des créneaux pour rappeler l’ancienne muraille :

Mur ouest de Xichang

Les puits

Il existe tout un réseau d’alimentation en eau dans la ville, datant vraisemblablement de la dynastie Ming. Des canaux souterrains alimentent en eau de nombreux puits dans la vieille ville. Ce sont des vestiges que l’on peut encore voir aujourd’hui. Certains sont d’ailleurs encore en parfaite activité, comme le puits de Douya (豆芽井) dans la partie sud, ou le puits Dongcang (东仓井) dans la partie nord :

puits douya Xichang

puis Dongchang Xichang

Les lieux de culte

On trouve plusieurs lieux de culte à l’intérieur de la vieille ville. Je vous ai déjà parlé de l’église catholique dans un article précédent.

église catholique de Xichang

On trouve aussi non loin une église évangélique :

église évangélique de Xichang

Plus difficile à trouver, il y a aussi un temple bouddhiste :

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Et aussi une mosquée :

mosquée de Xichang

Se promener dans les rues

Si vous venez à Xichang, je vous conseille de vous balader dans les rues de la vieille ville. Vous verrez le quotidien des locaux, notamment des Yis qui vendent leurs légumes par terre, et aussi des vieilles maisons en bois avec leur vieux toits en tuiles. Je ne vous dis pas tout, il faut venir voir par soi-même, mais je vous garantis que cela a beaucoup de charme et est très dépaysant.

ancien quartier de Xichang

ruelle vieille ville Xichang

autre ruelle vieille ville Xichang

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