Nouvelles de l’église de Xichang

C’est Pâques. Cela fait donc exactement un an que j’ai commencé ce blog. Et comme c’est Pâques, je vais vous donner quelques nouvelles de l’église de Xichang.

Il y a plusieurs semaines déjà, j’ai pris connaissance du projet d’une nouvelle église à Xichang. Que dis-je une église ! C’est une véritable cathédrale, avec bibliothèque, centre de formation, etc. Voici à quoi ressemblera le projet fini :

Le projet du « complexe épiscopal » de Xichang

Nouvelle église de Xichang

La notice accompagnant l’image du projet est la suivante (la traduction suit)

Projet de construction nouvelle église

Ma traduction approximative du texte (mes remarques entre crochets) :

Chers frères et sœurs dans le Seigneur :

Le catholicisme est arrivé à Xichang en l’an 28 du règne de Guangxu (1902), avec le français Jean Budes de Guébriant [en chinois Guang Ruo Han] venu prêcher depuis Suifu [en chinois Xu Fu] (actuellement Yibin), et la construction de l’église de Yong An Gong [littéralement « paix publique éternelle »]. L’an 2 du règne de Xuan Tong [empereur aussi connu sous le nom de « Puyi »] (1910), le diocèse de Xichang a été officiellement créé [en fait, ce n’était alors qu’un vicariat apostolique, élevé en diocèse seulement en 1946. C’était le vicariat apostolique de Kien-Tchang]. Il a maintenant une histoire centenaire comme centre d’activités de développement d’affaires religieuses dans le Panxi tout entier [le Panxi est le Sud du Sichuan]. Le diocèse regroupe la préfecture de Liangshan et la municipalité de Panzhihua, a 13 églises construites, et a actuellement 12 prêtres, 12 nonnes, 2 moines, et plus de 50 000 fidèles.

Sous la conduite du Saint Esprit, et grâce aux relations avec le gouvernement, le gouvernement de Xichang a transféré 20 parcelles [la parcelle, en chinois mu, est une unité de surface correspond à 1/15 d’hectares] situées au nouveau district, avenue de Tianwangshan, à notre diocèse pour installation d’un gouvernement épiscopal. C’est une très bonne nouvelle pour tout notre diocèse, la construction s’apprête maintenant à commencer. Surface de construction : 19 236 m², montant total : 60 millions de yuans [près de 9 millions d’euros actuels], fonctions de la construction : église, centre de formation pour les fidèles, bâtiments de bureaux, bibliothèque, grotte de la Vierge, complexe autonome [j’ai pas bien compris ce que c’était précisément…], place du catholicisme. Date estimée de fin des travaux : fin 2017.

À cause des difficultés financières actuelles du diocèse, et le manque de fonds pour la construction étant relativement grand, le comité de gestion du diocèse appelle les membres du clergé de tout le diocèse et les amis de tous les milieux de la société à faire des dons d’argent. Nous espérons que tout le monde fera un don avec empressement, afin d’apporter une pierre à l’édifice [littéralement « ajouter une brique, ajouter une tuile »], en espérant une fin des travaux précoce. Que nos offrandes soient acceptées par le Seigneur, que le Seigneur accorde à tous sa grâce et la paix, amen !

Discussion

Quand j’ai vu ce projet, j’ai été très surpris. Certes le christianisme est en expansion dans cette région du monde, notamment chez les jeunes, mais l’ampleur du projet est tout de même étonnante, on est quand même dans un pays « communiste » et donc laïc, pas particulièrement réputé pour sa bienveillance envers les religions…

Petit rappel historique

Le christianisme a été introduit en Chine au VIIème siècle sous la forme du nestorianisme, via la route de la soie. Le catholicisme tente de s’implanter à différents moments avec des missions sous la dynastie Yuan (1279-1368) puis avec les Jésuites entre 1582 et 1773, puis à nouveau à partir de la deuxième moitié de XIXème siècle : c’est surtout après la première guerre de l’opium (1839-1842) que se développe l’évangélisation.

Entre 1899 et 1901 a lieu en Chine la « révolte des Boxers ». Cette révolte a notamment pour cible les colons, avec persécutions de nombreux chrétiens chinois et assassinats de missionnaires. Cela n’a pas empêché l’expansion des missions (notamment avec Jean Budes de Guébriant qui fonde le vicariat apostolique en 1910). Jusqu’à l’arrivée des communistes le 26 mars 1950 à Xichang, la mission prospère bien (de nombreuses églises ont été construites, mais aussi dispensaires et écoles. Les missions étrangères de Paris sont présentes, mais aussi des frères maristes, des sœurs franciscaines, etc).

Avec l’arrivée des communistes, les persécutions de chrétiens ont repris. Les missionnaires ont été chassés, certaines tués, comme le frère mariste Joche-Albert (mort en 1951 à Xichang). Le culte a été interdit et plus tard, entre 1966 et 1976, la révolution culturelle a conduit à la destruction de nombreux lieux de culte.

Le christianisme a été autorisé à nouveau par la constitution de 1978, mais uniquement dans le cadre d’association « patriotiques ». À Xichang, les activités ne reprennent que dans les années 90. Le diocèse n’a plus d’évêque reconnu par le Vatican depuis 1954 (Stanislas-Gabriel-Henri Baudry). Entre 1991 et 1999, le diocèse a connu un évêque non officiel, Xie Chaogang (non reconnu par le Vatican).

Église officielle et église souterraine

L’église officielle en Chine est l’association catholique patriotique (中国天主教爱国会), fondée en 1957. Elle est la seule à être légale. L’autre église, c’est l’église souterraine (天主教地下教会) qui est fidèle à Rome.

Le gouvernement chinois considère que le Vatican n’a pas à intervenir dans la gestion de l’église en Chine, en vertu du principe de non-ingérence. En particulier, la Chine n’accepte pas la nomination d’évêques par Rome. Cela a été une source de tensions importante dans les relations entre la Chine et le Vatican. La Chine a fait exactement la même chose avec le bouddhisme tibétain : c’est le gouvernement qui a choisi le dernier panchen-lama par le biais d’une pseudo élection, et il espère choisir également le prochain dalaï-lama. L’actuel dalaï-lama espère lui contrecarrer ce projet en déclarant qu’il est peut-être le dernier de l’histoire.

Le Vatican, ulcéré par les nominations unilatérales de la Chine contraires au droit canonique, a excommunié plusieurs évêques concernés. En 2007, Benoît XVI a rédigé une lettre aux catholiques de Chine, censurée par le gouvernement, dans laquelle il déclare qu’être catholique est incompatible avec le fait d’adhérer à l’association patriotique. En 2012, l’église patriotique nomme un évêque à Shanghai, approuvé par le Vatican (Thaddeus Ma Daqin). Lors de la cérémonie, il annonce son retrait de l’association patriotique. Depuis, il aurait subi des cours intensifs de socialisme, et il a interdiction d’apparaître publiquement…

En pratique, la distinction entre église officielle et souterraine est presque inexistante. Le culte de l’église officielle respecte le culte romain, il n’y a jamais aucun discours patriotique dans les prêches, les photos du pape ne sont pas interdites, comme le sont par exemple les photos du dalaï-lama à Lhassa. Ce n’est pas parce que des prêtres appartiennent à l’association patriotique qu’ils ne suivent pas le pape. Ce sont surtout les personnes haut placées dans la hiérarchie de l’église officielle qui entretiennent des rapports étroits avec le parti communiste. La base des fidèles ne se préoccupe guère de tout cela.

Au final, les chinois n’ont rien inventé : pendant la révolution française, on a demandé aux prêtres de jurer sur la constitution. Les réfractaires ont été massacrés ou déportés, et une église clandestine a coexisté avec une église officielle et légale.

Conclusion

L’église catholique de Xichang se porte bien. Il semble en tout cas que ses relations avec les autorités sont plutôt bonnes. Une fois la cathédrale et le complexe épiscopal achevés, il ne manquera plus qu’un évêque pour faire du diocèse de Xichang un vrai diocèse. Pour sûr, les autorités chinoises auront voix au chapitre.

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